Cela faisait quelques jours que j’étais arrivé au Campement Dalatien de Brécilianne. J’aurais voulu ne pas m’y attarder, mais l’expédition dans les Ruines que je désirais menée avec l’appui de quelques chasseurs semblaient nécessitait quelques ajustages. Ne voulant apporter d’ennui à l’Archiviste, si les bruits venaient à courir quant à la présence d’un apostat supplémentaire, je quittais le campement chaque matin pour aller marcher à travers la forêt. Les sylvans sont liés en parti à la magie des Archivistes…et je ne crains nullement de les voir me poursuivre de quelques façons que cela soit. En ce lieu, je me sais apte à me défendre. Les racines ne manquent nullement, et si besoin est, je n’hésiterai pas à user de ces-dernières pour faire à la fois mon bastion et mon attaque.
Mais j’aimerai éviter d’avoir à en arriver là…aussi, je me contente de promenade anodine sur les sentiers forestiers. Je leur ramasse quelques plantes que j’entrepose dans mon baluchon. Par respect, j’évite les territoires de chasse. Sur la finalité, me voilà au pied d’un vieux chêne qui ne se tait que sous quelques rares conditions, et surtout, qui ne dévoile nullement ses rencontres passés avec les « Moi Passé ».
Car un chêne de son âge a rencontré Ferendir à plus d’une occasion, comme le laisse entendre son alexandrin d’accueil. Je le salue alors, et m’installe à ses pieds, sortant mon luth et faisant délicatement glisser mes doigts dessus. Il manquerait un petit air de flûte sur cette mélodie, mais je n’ai pas encore trouvé celui qui me succédera. Probablement est-il trop tôt pour moi à penser à qui sera mon « Moi Futur » ? J’ai fini de vérifier mes accords, et alors, j’entame la mélodie. Un éloge elfique encore bien connu, surtout des conteurs d’Orlaïs.
« Hahren na mela sahlin »
Je ne la chante pas au campement, car l’archiviste est toujours là…mais je me souviens l’avoir chanté pour mon, mes, Moi Passé. En hommage…
« Emma ir abelas, souver'inan isala hamin, in uthenera na revas. »
Une voix féminine sied probablement plus que la mienne sur la mélodie, mais je sais mon ton juste. Et tout en continuant de faire glisser mes doigts, laissant le vent porter ma mélodie dans Brécilianne Ouest, je poursuis :
« Vir sulahn'nehn, vir dirthera, vir samahl la numin, vir lath sa'vunin. »
Car même si le temps emporte avec lui nos doyens, même si l’immortalité nous a été prise, nous continuons de fêter, nous continuons de croire, nous continuons de conter les histoires du passé. Ces bribes qu’on nous a volés, ce savoir que je porte et se transmet…il n’a certes de cesse de se déformer, mais jamais je ne saurais si l’apposer par écrit ne serait nullement solution. Pas sans avoir, au préalable, vérifier les dires et les informations laissés par ceux qui vivent en moi, par ces « Moi du Passé »…
Mais j’entends un bruit, et ressens comme si les Sylvans voulaient se mouvoir pour attaquer. Ils ne le doivent pas…et j’use de ma magie pour tenter de leur faire comprendre, alors que ma mélodie se termine, que mes doigts finissent de se mouvoir. Quelqu’un a pénétré la zone qui mène au Grand Chêne ? Serait-ce un elfe, un nain perdu, ou un humain ? Je ne le sais, mais mon intuition me dit que je ne devrais tarder à avoir de la visite…
« Mensonge n’est pas solution, mais doux rêve. »Me murmure le Grand Chêne, avec son habituel alexandrin.
Seul mon sourire triste lui répond, alors que je crois entendre du bruit en provenance du sentier…
Spoiler:
Hahren na mela sahlin Emma ir abelas souver'inan isala hamin in uthenera na revas.
Vir sulahn'nehn vir dirthera vir samahl la numin vir lath sa'vunin.
Traduction : doyen, ton heure est venue mon coeur se serre de chagrin que tes yeux las trouvent le repos le sommeil éveillé apporte la liberté
nous chantons et fêtons nous narrons les contes nous rions et pleurons nous accueillons reconnaissants le nouveau jour
